La Trinité sur Mer - Madère

Publié le par JaZ

Jeudi 12 Juillet
Après de nombreux mois de gestation, un dernier mois de folie, mon avion se pose à Lorient (sous la bruine...)  et notre voyage test/entrainement vers Madère se concrétise enfin !  Le départ, comme prévu, est pour dans deux jours. Obportus², qui se joint à cette traversée, et son équipage sont à La Trinité pour régler les derniers détails.
Même si nous préparons tout ceci depuis plusieurs mois, il nous reste beaucoup de choses à faire et peu de temps. De plus, une grosse sinusite et l'envie de passer un peu de temps avec mes enfants que je n'ai pas vu depuis près d'un mois à cause de notre récent déménagement sur Grenoble, viennent intensifier le programme.
Le temps de se poser un peu, et nous voilà en route avec Corentin et Killian vers le bateau qui est à son corps mort dans la rivière d'Auray. Nous savions que le bateau risquait d'être sale (je hais les mouettes et maintenant les calamars aussi ! j'y reviendrais plus tard....), mais là cela dépasse nos pires inquiètudes...il est immonde ! Nous passerons plusieurs heures tous les trois à lui rendre un aspect acceptable... La machine à laver qu'est le golfe de Gascogne, lorsque que l'on est au près dans 20-30 nd de vent, finira le travail quelques jours plus tard.
Dans la soirée Jean-Charles arrive avec l'avitaillement que nous avions prévu et listé depuis longtemps.

Vendredi 13 Juillet.
Ma sinusite est à son apogée et physiquement je suis très très loin de la forme nécessaire pour 7 à 10 j de mer en situation de régate. Mais il faut convoyer le bateau vers la Trinité pour finir le chargement et passer au travers une liste de petites choses aussi longue qu'un jour sans vent.
Mais au moins et contrairement à la veille, le beau temps est de retour.

J'accompagne JC, Corentin et Killian au mouillage et retourne me "reposer" un peu. En début d'après-midi, le bateau retrouve Obportus² au ponton visiteurs et la frénésie commence. X allers retours bateau/voiture pour transborder ce dont nous avons besoin, installation de l'AIS, vérifications de tous les composants du bateau....etc, etc. Le tout ponctué par quelques surprises tel que l'antenne VHF de tête de mat qui a disparu et qui faute d'avoir pu repasser un nouveau cable dans le mat nous limitera en terme de portée pendant la traversée. De nombreuses difficultés aussi avec l'Iridium et la réception des fichiers GRIB qui ne fonctionnera pas pendant les 8 prochains jours (problème résolu maintenant).

Samedi 14 Juillet...Jour J.
Sur le front de la sinusite c'est un peu mieux, et l'adrénaline du départ me donne l'énergie qu'il faut. Nous rejoignons le bateau, le plongeur est sur place pour le carénage à flot et nous commençons le dernier sprint avant le départ. La journée est belle et le vent est aux abonnés absents. Nous négocions deux heures de délai pour le départ qui est maintenant prévu au Petit Trého à 16h00.
16h00. Laurent a mouillé une ligne courte, Il va falloir tirer des bords pour sortir de la baie dans un vent plus que poussif. Départ serré, ou nous prenons un léger avantage sur le JPK. que nous nous croisons plusieurs fois avant de prendre des options différentes. La notre paye largement et nous sortons de la baie avec un peu moins de deux heures d'avance, malgré un gros trou de vent à la sortie du chenal de la Teignouse où heureusement, le courant nous pousse dans le bon sens. La première nuit, pas trop violente, nous permet une bonne mise en jambe. C'est aussi notre première rencontre avec une bande de dauphins qui viennent jouer avec le bateau, suivie en debut de nuit de la tête de la flotte d'une regate de mini transat qui arrive sur Belle Ile. Nous alternons pendant la nuit genois/code 5 et assistons sous notre vent à des orages violents pendant plus de trois heures alors que nous gagnons dans l'Ouest. Heureusement notre ciel est plus clément et la voie lactée illumine la route.

Dimanche 15 Juillet.
Le vent a des sautes d'humeur et oscillera toute la journée entre 1 et 10 nd. En fin de journée nous rencontrons encore de nombreux dauphins mais aussi une baleine. Nous sommes plutôt contents de notre progression et de nos premières 24 heures, car nous affichons une douzaine de miles d'avance sur la route directe par rapport à Obportus² et sur une option de route pour l'instant équivalente.

Lundi 16 Juillet
Nous avons continué toute la nuit vers l'ouest pour toucher la bascule de SW vers l'Ouest. Le vent est monté et est établi entre 17-25nds. C'est toujours étonnant de voir la vitesse à laquelle se forme la mer dans le golfe de Gascogne. Car même si le vent n'est pas très fort, l'état de la mer passe en quelques heures de forte à très forte et en plus croisée. Tout cela devient très inconfortable et nous passons de GV inter à GV1 ris/Inter. Le journal de bord mentionne "mer difficile" et JC n'est pas dans une forme olympique. En milieu de journée première grosse erreur tactique, dans une oscillation à l'ouest, pensant avoir touché la bascule on renvoie vers le sud...."KOLOSSAL" erreur et manque de lucidité, car en consultant aujourd'hui et à tête reposée le journal de bord, le vent dans les heures qui suivent reste au SW et ne passera à l'Ouest qu'une quinzaine d'heures plus tard. Obportus²  qui est à ce moment 15nM (10nM derrière nous sur la route directe à 0800utc) dans notre NNW l'a très bien analysé, persiste à gagner dans l'Ouest, et crée l'écart latéral dont il va récolter les fruits le lendemain lorsqu'il vire vers le SSW.

Mardi 17 Juillet
Nous continuons notre descente presque plein sud ce qui nous amène environ 40 nM à  l'Est de la Corogne et à une quinzaine de miles de la côte à 1330 UTC. Le vent est Ouest, 15nd. Nous commençons à longer la fin de la côte NW Espagnole en tirant des bords pour sortir des grandes baies et parer les différents caps. JC commence à retrouver des couleurs.

Mercredi 18 Juillet
Le vent a faibli régulièrement dans la nuit et à 8h utc nous sommes à 22 nM dans le nord du Cap Finistère.  Remi et Olivier sur Obportus sont beaucoup plus à l'Ouest engrengeant les bénéfices de leur option. Nous passons le "fameux" Cap (pas encore celui qui nous autorise à "cracher au vent" !!) à environ 18h utc. Le verdict tombe ils sont à environ 20nM devant, dans notre SW. Le vent est maintenant remonté à 12-15 nds et le spi max est de sortie. Notre option bien que catastrophique d'un point de vue compétion, nous a au moins permis d'appécier la beauté de la côte Espagnole... Il faut bien trouver une consolation.
La course continue mais le moral en a pris un coup, d'autant plus que nous ne pouvons toujours pas recevoir les fichiers grib. Heureusement, Jérôme nous envoie des SMS sur l'Iridium pour nous donner le maximum d'information.

Jeudi 19 Juillet
La course poursuite est lancée. A 0800 utc nous sommes à 12 nM du JPK dans son ESE, mais nous ne le savons pas et pensons être bien derrière alors que nous sommes plutôt bien revenu au bénéfice probablement d'un angle de vent un peu plus favorable. Nous sommes sous GV et code 5 à environ 8 nds de moyenne dans 12-15 nds de vent. Nous continuons à essayer de faire fonctionner notre réception de GRIB en même temps que nous voyons les précieuses minutes (au sens propre) de la carte prépayée s'envoler. On finit par laisser tomber et conserver la phonie et les SMS. A 2000 utc le spi max est à nouveau de sortie et le moteur tourne pour recharger les batteries. Nous sommes en quête des alizés portugais, qui sont un peu faiblards. Au dernier pointage Obportus² est environ 8nM dans notre sud.

Vendredi 20 Juillet
A 0900utc nous sommes à 421nm de l'arrivée. Le vent est autour de 15 nds et le spi toujours de sortie. Il fait beau et la température est bien montée. D'ailleurs lorsque nous barrons on sent bien que le soleil commence à se faire agressif et nous immaginons comment bricoler un petit taud de soleil mobile pour se protéger (A garder en mémoire pour la Transquadra). dans tous les cas vêtements clairs, bob et crème solaire de rigueur. Nous profitons même de la fin de journée pour prendre une bonne douche chaude (merci la douche solaire).

La première partie de nuit est marquée par plusieurs changements de spi entre code 5 et maxi alors que la seconde partie de nuit est marquée par une manoeuvre d'évitement du OOCL America, que nous avons détecté à l'AIS très tôt et qui bien sûr n'a pas bougé d'une miette sa route. Au moins, il avait son AIS en fonctionnement car nous avons aussi rencontré de très gros marchands sans AIS et sans radar en fonctionnement. A se demander s'ils avaient même quelqu'un en veille. Nous voyons devant nous une lumière pâle qui pourrait être un voilier. Nous nous disons qu'à part le JPK d'Olivier et Rémi il ne doit pas y avoir des tonnes de passage. Nous nous fixons ce spectre en ligne de mire et passons la nuit à pousser le bateau et pomper sous spi sur chaque vague. Nous avons l'impression de nous rapprocher, mais nous ne voyons toujours pas de feu de tête de mât. (nous saurons à l'arrivée qu'au petit matin Olivier et Remi ont vu dans leur rétroviseur notre spi rouge avant d'empanner et nous préparer leur deuxieme excellent coup tactique. A part cela ils ont bien un feu de tête de mat, mais il semble que le fait qu'il soit à LED limite un peu sa portée).

Samedi 21 Juillet
Au pointage de 0800 utc nous sommes à environ 6nM dans leur direct sillage. Nous sommes contents et le moral remonte. Nous avons bien fait marcher le bateau et sommes bien revenus sur eux.
La fatigue se fait un peu sentir et nous avons tous les deux quelques hallucinations (c'est fou le nombre de fois que nous croyons entendre l'un ou l'autre parler ou une autre voix, alors qu'il n'y a personne !!!). Belle journée sous spi. On en profite pour vérifier les points de ragages et s'assurer que rien ne se dessère (pilote/connections éléctriques...)
Au pointage de 2000 utc nous sommes à distance égale de l'arrivée et Obportus² s'est décalé vers le sud alors que nous sommes en route directe. Sur la base des infos météo disponibles via Jérôme, nous commençons à y croire pour le temps réel. D'autant plus que nous ne comprennons pas leur volonté de se décaler dans le sud. (on comprendra à notre arrivée !)

Dimanche 22 Juillet
Cela devrait être notre dernier jours de mer. La nuit s'est bien passée, nous nous sommes appliqués à faire marcher le bâteau et sommes prêt pour le sprint final. Après quelques heures (prévues)  de vent faiblissant et refusant que nous négocions sous spi asy, le vent adonne et nous repassons en début d'après-midi sous spi max puis à nouveau asy puis maxi pour finir en asy. Le vent est remonté à 15 nds et nous faisons route directe sur Madère avec un passage prévu au vent de Porto Santo. Nous croisons dans la matinée plusieurs tortues de mer, toutes dans le même alignement qui dérivent une nageoire dressée vers le ciel. Nous "baptisons" l'endroit l'autoroute à tortues. A 1530 utc Porto Santo apparaît à l'horizon. A 1940 utc nous sommes au vent de l'ile que nous avons derrière nous à 2100 utc.

Nous marchons depuis le début de l'après-midi à près de 9nds de moyenne et cherchons aux jumelles Olivier et Remi. Nous sommes persuadés de les trouver un peu derrière nous, ou au pire, sur notre travers mais sur un angle peu ou pas spiable. Lorsque que nous communiquons notre position à Jérôme et qu'un peu après on reçoit le SMS qui nous donne la position du JPK à 20h00 utc, nous n'y croyons pas.  Et puis on accuse le coup. Ils sont 1h-1h 30 devant nous ils arrivent par l'est de Porto santo. C'est l'écart qui nous séparera après ces 8 jours de mer.

Lundi 23 Juillet
 Nous nous amarrons au ponton visiteur de la Marina de Quinta do Lorde, un peu plus d'une heure après eux. Rangement rapide et nous allons dormir très contents de l'expérience, un peu moins de la performance.
Au reveil Olivier et Remi nous expliquent leur dernière option et la mise en pratique de leur stage météo qui a été très enrichissant et donc bien amorti. Félicitations à tous les deux ! Ils ont navigué intelligement et à l'exception de la baie de Quiberon, n'ont pas fait de grosse erreur tactique, au contraire. Ils faut que nous progressions sur ce registre. Nous profitons de lundi et mardi pour alterner repos, nettoyage et petites réparations pour que Gandalf soit prêt à repartir en fin de semaine avec Jérome et son équipage qui arrive vendredi.

L'accueil à la Marina est excellent et nous laisse un très bon souvenir. Nous testons aussi les plats sous vide confectionnés par Olivier qui sont bien meilleurs que ce que l'on trouve dans le commerce et qui nous laisse un peu rêveurs pour nos prochaines traversées (Olivier, il faut qu'on en reparle !).

Mercredi 25 Juillet
L'avion décolle de l'aéroport de Funchal, il fait beau.

Bilan.
Ce qui a bien marché:
La vitesse du bateau
Le pilote : Quels progrès depuis les premiers pilotes electriques.
La consommation électrique
Le spi asy et Inter sur enrouleur
La résistance du bateau en général
L'AIS. Super devrait être obligatoire pour la pêche aussi.
Le logiciel de nav et de routage Expedition (celui des VOR 60, d'Orange et de l'America cup)

Ce qui a moins bien marché (voir pas du tout)
Réception GRIB. Pas assez de temps passé sur la partie communication/informatique
Notre tactique. Loupé 1ere option météo par manque de lucidité (la seconde option, on ne connaissait pas la règle)
Quelques problèmes encore avec l'aérien B&G (manque d'étancheité et pb de connections)

Et ce qui reste vraiment...le plaisir d'être en mer, le bleu abyssal de l'Atlantique, les nuits sous spi en tee-shirt sous la voie lactée, les étoiles filantes, les dauphins, les baleines et l'adrénaline de la régate.



Un grand merci à Olivier et Rémi pour avoir partagé ceci avec nous, à Jérôme et son équipage pour avoir ramené le bateau à La Trinité (ce qui n'a pas été de tout repos), sans oublier mon co-skipper JC.

 Au fait j'ai oublié pour les calamars...Comme les fientes de mouettes, quand vous les retrouvez au petit matin sur le pont, sec, leur encre laisse des traces indélébiles.



Publié dans gandalfz

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